Coda

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Détails sur la chaude journée du 10 avril, au campus de Niamey: les étudiants ne manifestaient pas comme je le supposais. Leur comité exécutif était en conciliabule sur la ligne à tenir face au gouvernement, lorsque ce dernier – sous les espèces de deux ministres, Ben Omar qui est à l’Enseignement supérieur et Kalla Moutari, à la Défense, intérimant le ministre de l’Intérieur, qui n’était pas à Niamey – a ordonné à la police de les attaquer, sans demander (comme cela est légalement requis) l’autorisation d’accès au campus du recteur. La police nigérienne, qui est l’une des moins professionnelles qui soit, prit cet ordre d’attaque « au sérieux », c’est-à-dire en considérant les étudiants comme des ennemis, non pas comme un mouvement à contenir et canaliser en appliquant au maximum des protocoles anti-émeutes. En bref, les flics se sont comportés comme des vrais vandales qu’ils étaient, détruisant des motos et des ordinateurs et, selon de nombreux témoignages, cherchant à abuser des étudiantes. Une vidéo smartphone qui circule dans la ville montre un jeune homme la bouche en sang assis à l’arrière d’une camionnette de la police, environnée d’une horde bottée qui hurlait « USN! » (acronyme de l’Union des Scolaires Nigériens) à quoi le jeune, couvert de horions, devait répondre « A bas! » La vidéo ayant fait sensation sur les réseaux sociaux, le directeur général de la police vient de se fendre d’une lettre dénonçant l’action de ses agents comme un « forfait » et annonçant l’arrestation de trois d’entre eux. La lettre décrit aussi le comportement des étudiants comme relevant d’une « manifestation illégale ». La vérité est que les lycéens étaient en effet « sortis », mais les étudiants se tâtaient encore (il semble qu’ils allaient bel et bien sortir, mais le fait est qu’ils n’étaient pas encore sortis).

Il n’y a pas que la police qui manque de professionnalisme. Le gouvernement aussi a agi avec un amateurisme qui, au demeurant, ne me surprend pas, et il s’emmêle du coup les pinceaux dans des justifications qui hésitent entre la maladresse et la jactance. Résultat, alors qu’il est déjà bien impopulaire, il a fait monter la tension dans l’opinion publique, et une manifestation générale est apparemment prévue pour le 19 – information apprise (entre autres lieux) dans un taxi, dans une ville où les taxis sont des espèces de places publiques ambulantes. Tous les clients du taxi étaient très remontés contre le gouvernement et la police, et le taximan sonnait la charge, disant qu’il verrait bien s’ils oseraient essayer de contrecarrer la manif du 19. La police fut accusée de ne pas être « républicaine » et d’être un repaire de délinquants et de dealers de drogue, ce qui, sans être complètement faux (en tout cas pour « délinquants »), était tout de même un peu excessif.

Issoufou me rappelle parfois François Hollande, avec qui il s’entend si bien. Ses réalisations au pouvoir ne sont pas nulles. Il a amélioré certaines choses et il a dû se débattre avec la déveine de la chute des cours de l’uranium, à quoi s’est ajoutée la pression sécuritaire et les dépenses qu’elle nécessitait. Mais il ne sait pas se vendre – quoique, pour des raisons différentes de Hollande. Hollande semble avoir été si calculateur qu’il a fini par s’empêtrer dans ses calculs. Issoufou, apparemment, est tout bonnement un hystérique – un hystérique qui s’entoure d’hystériques, car la plupart des grosses pointures de son régime sont des gens à mauvaise bouche, qui adorent les postures mussoliniennes et les paroles blessantes qui ne s’oublient pas. Et puis bien sûr, il y a l’enrichissement éhonté, le manque de goût dans les actes symboliques (le PNDS s’est ainsi payé un siège national gigantesque sur l’une des principales artères de Niamey), et le sabotage agressif de l’état de droit et de la liberté de la presse. C’est un régime qui pue. Pas le premier dans son cas, au Niger, mais c’est fatigant…

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